Sous bénéfice d’inventaire

Lundi 27 avril – Le problème des générations imbriquées est un sujet économique qui revient régulièrement dès qu’on évoque les conflits de générations. L’épidémie de CoViD19 pose le problème avec une acuité saisissante.

J’ai passé la journée avec mes élèves du lycée de Varzy. Certains se posent la question du déconfinement et émettent le souhait de rester confinés pour ne rentrer qu’en septembre. Certes à cet âge, toute raison de rallonger les vacances est bonne à prendre mais on ne saurait négliger la crainte qu’ils expriment. Que cette crainte soit la leur ou celle de leur entourage, peu importe, elle est bien réelle.

Le problème des générations imbriquées

On suppose une population qui vit deux périodes de temps. A chaque début de période apparait une nouvelle génération et chaque génération reçoit une allocation de biens pour vivre la période qui commence. A la fin de chaque période la génération la plus âgée disparait. Ainsi chaque génération reçoit deux allocations une première au début de sa première période et une deuxième allocation au début de sa seconde période.

Un jour la vielle génération qui entame sa seconde période dit à la nouvelle : « les temps ont été durs, je ne m’en sortirai pas alors je te prends ton allocation, je te m’assurerai que tu aies de quoi survivre, et toi tu n’auras qu’à faire de même avec la génération suivante. Ainsi tu recevras deux allocations pour ta seconde période ce qui est équivalent à ce que tu aurais reçu si je n’avais pas eu cette idée géniale ». La génération qui a eu l’idée bénéficierait ainsi de trois allocations.

Ça parait gros mais c’est un peu ce que nous faisons quand nous vivons à crédit et transmettons notre dette à la génération qui nous succède.

Héritage sous bénéfice d’inventaire

Si on continue dans la caricature, disons que la jeune génération n’est pas sensible au coronavirus et que la vieille génération y est sensible. La vieille génération a stoppé l’économie et a choisi de vivre la période du confinement à crédit. Ainsi pour préserver sa santé, la vieille génération creuse la dette qu’elle ne remboursera pas et qu’elle transmettra impunément à la jeune génération.

A cela on peut ajouter que l’arrêt de l’économie provoque une hausse du chômage qui devrait toucher davantage les jeunes que les anciens. Bref les vieux qui sont sensibles à la maladie se préservent aux dépens des jeunes qui ne le sont pas.

L’Allemagne, un exemple ?

L’Allemagne possède une population plus âgée et est gouvernée par des conservateurs qui ont durablement investi dans le système de santé étatique. On notera que par nature, le système de santé est particulièrement utile aux personnes âgées. Par ailleurs les conservateurs allemands en imposant une rigueur budgétaire n’ont pas hésité à maintenir une part relativement importante de la population sous le seuil de pauvreté. Le nombre de travailleurs pauvres y est nettement plus important qu’en France. Si l’Allemagne était mieux préparée que la France, c’est notamment parce que les vieux Allemands sont plus égoïstes et plus craintifs que les Français.

Conclusion : (i) les jeunes devraient demander le déconfinement afin de s’éviter la double peine du chômage et de la dette insoutenable, et (ii) si pour établir le monde de demain, l’Allemagne doit être prise comme modèle, alors il faudra convaincre la jeune génération que c’est pour son bien.

Avis personnel : (i) la comparaison franco-allemande mériterait une réflexion nettement plus approfondie notamment en termes de tissu industriel, et (ii) il est toujours utile de mettre en avant un raisonnement argumenté et simple quand il va à l’encontre d’une position généralement admise comme une évidence.

Retrouvez la série de nos chroniques de confinés.

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