Trump, notre sauveur

Dimanche 21 juin – Donald Trump a demandé récemment aux autorités sanitaires de ralentir le rythme des dépistages du Covid-19 parce que cella augmentait le nombre de cas aux États-Unis.

Casser le thermomètre pour faire baisser la fièvre est une vieille stratégie. « Quand on fait ce volume de dépistages, on trouve plus de gens, on trouve plus de cas » a dénoncé celui qui est encore président des États-Unis.

Dans un pays où plus de 2,25 millions de personnes sont contaminées (près de 120 000 morts), cette décision devrait avoir un double effet spectaculaire :  sur les statistiques bien sûr, mais aussi évidemment sur l’extension de la pandémie.

Un responsable de la Maison-Blanche, sous couvert d’anonymat a expliqué ensuite qu’il s’agissait d’une plaisanterie… A mourir de rire.

Mais restons sereins. Donald Trump a rassuré ses concitoyens affirmant qu’il était en bonne santé. « S’il y a un problème, je vous le dirai » a-t-il ajouté. Je ne dois rien comprendre à ses traits d’humour.

Lénine

Samedi 20 juin – Au moment où une vague de grande ampleur, à travers le monde, demande de déboulonner des statues, certains en érigent avec une belle détermination. 

Cette transgression au politiquement correct est l’œuvre d’un minuscule parti d’extrême-gauche en Allemagne. A Gelsenkirchen, il a fait ériger une statue de Lénine.

Malgré les records inégalés du communisme en meurtres de masse tout au long du vingtième siècle, ces jeunes révoltés sont sûrs de leur fait. 800 personnes étaient rassemblées, ce samedi, dans cette ville de la Ruhr pour l’inauguration.

Quand on pense au zèle mis après la chute du mur en ex-Allemagne de l’Est à écarter les statues de Vladimir Ilitch Oulianov, ce regain de passion à l’Ouest est pour le moins étonnant.

Le retour du balancier spectaculaire a évidemment suscité de vives protestations et, sans doute, allongé la longue liste des statues à détruire à travers le monde. En Allemagne, mais pas seulement, il y en a beaucoup venues du siècle passé.

Dans un quartier de Berlin, à Spandau, il existe d’ailleurs un musée qui accueille ces vieilles statues, interdites de séjour ailleurs. Un cimetière des gloires passées, formidable témoin de toutes celles, adorées hier, à effacer aujourd’hui.  Sic transit gloria muni.

La fête sous contrôle

Vendredi 19 juin – Tout semble reprendre, mais tout reste très contrôlé. Ceux qui s’attendaient à une fête de la musique libérée, dimanche prochain, devront revoir leurs projets à la baisse.

Toutes les prudences restent de mise et c’est bien normal. Mais du coup, à l’Accor Arena de Bercy, à vrai dire un peu en avance, France 2 propose ce vendredi soir un concert d’une quarantaine d’artistes avec masques et distanciation obligatoires pour le public. La jauge a été limitée à 2000 personnes alors que la salle peut en contenir 20000.

Pour dimanche soir, pas question de se répandre en foules compactes dans les rues. Pas d’improvisation possible, mais des dérogations à la règle d’airain, avec autorisation du préfet et bénédiction du maire. Pour contourner tous ces obstacles, Jean Michel Jarre propose un concert Alone together (seuls ensemble) en réalité virtuelle qui impose le port du casque adapté. Je ne suis pas sûr d’être fan, ni de l’un ni de l’autre. Notons aussi que France Inter retransmettra des concerts live depuis un Olympia vide.  

Tout ça peut sembler un peu étrange et bien loin de l’esprit de fête initial. La prudence n’est pas un exercice très joyeux. 

Les réductions de voilure sont à vrai dire assez générales. Les bals des pompiers du 14 juillet sont annulés à Paris et souvent dans de nombreuses régions.  Par ailleurs, et cela semble un peu plus grave, il est difficile de faire la liste exhaustive des milliers de festivals de l’été effacés. Certains s‘emploient pourtant à sauver ce qui peut l’être en réduisant la jauge, en s’installant parfois en plein air. Témoignages vivants et sécurisés de tentatives courageuses pour lutter contre la morosité. Quand « t’es dans le désert depuis trop longtemps », des lueurs d’espoirs font du bien.

Gaulliste d’un jour

Jeudi 18 juin – André Malraux avait raison.  « Tout le monde a été, est ou sera gaulliste. » Sa célèbre formule, parfois attribuée au général de Gaulle lui-même, connaît une postérité remarquable au jour du 80e anniversaire de l’appel du 18 juin. Les enchères montent pour s’inscrire dans la postérité.  

Emmanuel Macron et Marine Le Pen, rivaux centraux du jeu politique français, se disputent l’héritage. Le chef de l’État se rend ce jeudi au Mont Valérien puis à Londres. Marine Le Pen est allée, hier mercredi – anticipant sa visite programmée d’une journée – à l’île de Sein, haut-lieu de la France libre. Elle a été accueillie par les huées de certains îliens.

On ne décernera pas ici de brevet de gaullisme. De quel droit ? On constatera simplement que la captation d’héritage est un exercice difficile. Même si elle ne doit durer qu’un petit jour.

Gaulliste, Marine Le Pen ?  Son parti, le Rassemblement national est né du Front national qui a été sous le règne de Jean-Marie Le Pen le point de cristallisation des haines recuites des partisans de l’Algérie française et le refuge de beaucoup d’anciens collaborateurs. On a le droit de vouloir changer mais ce n’est pas si facile. Le nationalisme et la patriotisme gaulliens étaient grands et ouverts sur l’Europe et le reste du monde. Celui de Marine Le Pen est un nationalisme de repli, inquiet et complotiste qui voit, un peu partout, de terribles menaces planant sur la France. Un manque de confiance criant. Ça fait une grande différence.

Gaulliste, Emmanuel Macron ?  Dans ses intentions rassembleuses et dans son appel à l’unité du pays en ce moment sans doute. Il en a l’accent. Mais, depuis 2017, le discours présidentiel n’en maîtrise pas pour autant tout à fait la langue. Par l’ambition de se situer au-dessus des partis, ni de de droite ni de gauche, il reste certes quelques traces. Mais rien de profond, ni dans la manière de gouverner, ni a fortiori dans la conduite de la diplomatie qui a largement rompu avec le socle gaullien, prolongé par François Mitterrand et à certains moments par Jacques Chirac. Il a été complètement abandonné depuis…Et pas seulement par Emmanuel Macron.

L’étrange vertu de Facebook

Mercredi 17 juin – Les dirigeants de Facebook seraient-ils devenus schizophrènes, prétendant contrôler d’une main ce qu’ils encouragent de l’autre ?

La firme donne la possibilité à ses utilisateurs aux États-Unis à 5 mois de l’élection présidentielle de désactiver toutes les publicités politiques. C’est une réponse à la critique souvent adressée au media-social de pratiquer une modération trop faible de ces contenus. Cette option devrait en principe être étendue ailleurs dans le monde ainsi que sur Instagram. Ce transfert de la modération vers les utilisateurs renforce la puissance des candidats installés qui disposent évidemment d’autres supports pour exister.

Mais le fond du problème se niche ailleurs. Le modèle de Facebook repose sur un croisement logique sur le plan économique entre audience et publicité. En rémunérant largement les contributeurs qui font de grosses audiences par la publicité, la plate-forme contribue à étendre la dictature de l’émotion, propice à la diffusion de fausses nouvelles souvent complotistes, bien plus existantes a priori que les propos fondés sur la raison et l’acceptation des règles de base de l’information (distance critique et sources croisées).

La mise en œuvre de cette dernière innovation ressemble à un prurit vertueux, assez peu crédible, celui qui saisirait une bête décidée à faire l’ange. Jamais en retard de bonnes intentions, Mark Zuckerberg a, par ailleurs, donné à Facebook l’objectif d’aider à l’inscription de quatre millions d’Américains sur les listes électorales dans la perspective de présidentielle en novembre.  Là, que le ciel l’entende.

Promesses

Mardi 16 juin – L’ennui avec les promesses, c’est que, parfois, on vous demande de les tenir. C’est ce qui s’est passé dans toute la France aujourd’hui où des dizaines de milliers de soignants – à travers plus de 200 rassemblements – sont venus rappeler au gouvernement ses engagements à l’issue de la crise sanitaire.

L’hommage de la nation et une participation annoncée au défilé du 14 juillet, les infirmiers, les aides-soignants et les médecins y sont évidemment sensibles. Mais ce n’est pas là que se concentre l’essentiel des préoccupations de l’hôpital et de la médecine de ville.

Cette piqure de rappel, administrée dans la rue (600 personnes à Nevers par exemple) visait à faire évoluer le débat des primes déjà consenties vers la question dure des salaires et, plus généralement, à celle de la gestion de l’hôpital public en France. Avec cette revendication persistante d’embauches, d’ouverture de lits et d’un recul de l’approche comptable dans la gestion.

Rien n’indique pour l’instant mais soyons confiants, que ces revendications ne seront pas entendues quand il faudra tirer début juillet les conclusions du Ségur de la santé. La question ne se limite d’ailleurs pas à l’hôpital public. Mais concerne aussi les EHPAD, et les établissements médico-sociaux. Eux aussi ont été exposés pendant la crise.

Les réponses apportées seront, à ce moment-là, un test grandeur nature sur la logique qui prévaudra dans le monde d’après.

Frontières (suite)

Lundi 15 juin – Le débat était très mal engagé et dans le plus parfait désordre (Voir Menou pour tous des 22 et 26 mai).  La conclusion est pourtant assez rassurante. Après un isolement de trois mois à l’intérieur des frontières nationales, depuis aujourd’hui, les Européens ont retrouvé une relative liberté de circulation dans cet espace transnational. Tout n’est pas parfait, restent évidemment des traces du désordre initial.

Sont ouverts aux Européens, la Belgique, la France et la Grèce, ce dernier pays allant encore un peu plus loin pour des raisons économiques hors de l’Union européenne. Suivront dans la nuit de lundi à mardi, l’Allemagne et l’Autriche.

Mais des restrictions subsistent dans certains pays comme l’Autriche pour les voyageurs venant de pays où le pourcentage de personnes infectées est jugé encore trop élevé.  La France a choisi de réagir face à ces prudences. Elle appliquera les mêmes règles aux pays qui appliqueront des restrictions aux Français.

D’autres nations, la Roumanie, la Norvège, le Danemark par exemple gardent leurs frontières fermées ou très contrôlées selon le pays d’origine des visiteurs.

Il faudra attendre encore pour obtenir un lissage des comportements parmi les pays européens. Et même si ces décisions appartiennent aux gouvernements des différents pays, l’harmonisation vers la libre- circulation est un objectif indispensable. 

Elle est au cœur du projet européen.

Déconfinement accéléré

Dimanche 14 juin – Retour à la normale en France et quelques pistes pour l’après crise : ce fut là le cœur de l’intervention télévisée d’Emmanuel Macron,  dimanche soir.

Si le président de la République s’est beaucoup projeté dans l’après-crise sanitaire, après avoir défendu l’action de l’exécutif ces trois derniers mois, il est resté discret sur les formes concrètes que pourrait prendre un éventuel changement de cap.  

Je l’explique plus longuement dans mon blog : https://politique.blogs.la-croix.com/une-esquisse-par-emmanuel-macron/2020/06/15/

Diversité de la France

Samedi 13 juin – Un voyage en voiture vers le Grand Est par le chemin des écoliers m’a fourni l’occasion d’une nouvelle méditation sur la diversité de la France. Et sur cette fameuse résilience qui accompagne très souvent le désengagement de l’État. Résumons : dans un tel parcours, on décèle évidemment les traces du dépeuplement des campagnes, maisons fermées voire à l’abandon, commerces borgnes. Mais très peu de jachères.

On peut lire dans les lieux traversés, cette formidable capacité des Français qui passent par ailleurs leur temps à râler contre l’État, le gouvernement et leurs élus nationaux, une étonnante capacité à se fabriquer des bonheurs individuels. Cette remarque ne consiste pas à se rassurer à bon compte sur la situation des villages ou des campagnes en France. Elle croise en fait des constats faits par beaucoup d’autres et qui me reviennent en mémoire.

Ainsi, en remontant la Marne (1), le journaliste et écrivain Jean-Paul Kauffmann découvre lors de son voyage à pied les « conjurateurs », ces indociles qui résistent à la maussaderie des temps présents et luttent contre la désespérance.

Dans un livre à paraître dans cinq jours, Vincent Grimault (2), journaliste à Alternatives économiques, se pose cette question assez centrale pour le monde d’après la crise sanitaire : « Et si l’avenir d’une croissance plus durable et plus humaine se jouait aujourd’hui dans les campagnes ? ». Ce n’est pas un questionnement suspendu sur du vide. L’auteur ancre sa réflexion sur des exemples concrets de réussites à travers tout le territoire national.

Là où les habitants prennent leur avenir en main, où les élus locaux font preuve de créativité, le déclin cesse d’être une fatalité et un avenir plutôt prometteur se dessine.

  1. Jean-Paul Kauffmann, Remonter la Marne – 264 pages, Fayard , 2013
  2. Vincent Grimault La renaissance des campagnes – 320 pages, Seuil, 2020

Statues

Vendredi 12 juin – C’est assez étrange de voir aujourd’hui des statues porter tout le poids des contradictions du monde. Certaines sont devenues, avec quelques noms de rue, des livres, des films, l’objet d’une vindicte un peu infantile.

Quel sens peut avoir le déboulonnage de ces témoignage d’une histoire pas toujours glorieuse ? Vouloir les effacer du paysage, c’est en même temps refuser la mémoire d’aventures humaines. Celle des conquêtes d’un continent par Christophe Colomb, celle de la culture des Etats du Sud aux Etats Unis ou celle des colonies en France. Ces trois exemples déchainent de véritables passions. Les statues érigées en hommage à leurs principaux acteurs sont vues comme la célébration du génocide des Amérindiens, de l’esclavage dans les champs de coton ou du « Code noir ». 

Pourtant ni l’œuvre de Christophe Colomb, ni celle de tous ceux qui incarnent la culture des Confédérés, ni celle des tenants du colonialisme en France ne sont réductibles aux crimes commis en leurs noms. Des exemples comparables foisonnent dans presque tous les pays du monde.

Vouloir effacer ce qui gêne dans les histoires nationales conduit tout droit à une épuration absurde, doublée d’une pratique redoutable du déni.

Si l’objectif est de condamner les horreurs commises, il n’y a pas de manière plus efficace et pédagogique que d’offrir au pied des statues ou des plaques de rues controversées, l’évocation des crimes commis par ceux ou au nom de ceux qu’elles représentent, accompagnée des explications les contextualisant. Ceux qui veulent effacer les salauds et ne penser qu’aux héros sortiront frustrés de cet effort de mise en perspective. Cette pédagogie rappellera pourtant à tous que l’histoire est comme le vie, pleine de bruit et de fureur. Elle n’a pas de sens immédiatement déchiffrable.  C’est bien pour cela qu’existent les historiens.