Pauvre pauvreté

Lundi 27 juillet – Avec 30 ministres ou ministres délégués, le gouvernement Castex compte le plus grand nombre de ministres sous la Ve République, dépassant le record de 26  dans les gouvernements Juppé I (1995) et Mauroy II (1981-1983). C’est sans doute pour bien signifier que tout va bien qu’il n’y a pas de poste dédié à la lutte contre la pauvreté.

La crise économique et sociale engendrée par la pandémie conduira fatalement à une augmentation du nombre de personnes précaires. Les associations engagées aux côtés des plus pauvres ont lancé en début de semaine une alerte pour dénoncer cette absurdité.

Il serait facile dans un gouvernement bien doté en ministres et secrétaires d’État de trouver des doublons pour dégager des moyens pour les plus pauvres. Un seul exemple : une ministre de la cohésion des Territoires cohabite avec un secrétaire d’État en charge de la ruralité. 

Le dossier de la pauvreté sera dans les attributions du ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran. A l’évidence, il aura autre chose à faire avec une crise sanitaire pas complètement éteinte et qui menace encore.

Une couche sécuritaire

Mercredi 15 juillet – Sarkozy revient avec Jean Castex. Ce constat a été vérifié pendant le discours de politique générale du nouveau premier ministre devant l’Assemblée nationale par la multiplication d’annonces à forte valeur ajoutée sécuritaire.

Le nouvel hôte de Matignon qui n’avait pas grand-chose à ajouter – hormis quelques précisions de détail – aux annonces faites lors de l’entretien télévisé du président de la République la veille, s’est inscrit dans les pas de son précédent mentor. Une sorte de retour dans les banlieues du fameux karcher, en évitant pourtant de le nommer.

Ce registre n’est pas absurde. Il répond à des inquiétudes réelles dans le pays. Mais pour y répondre, il aurait fallu annoncer une politique globale et cohérente. Elle ne se trouvait pas dans le discours du premier ministre. Cette sortie sur la sécurité répondra, sans doute, d’abord au désarroi des forces de l’ordre de plus en plus sous surveillance.

A contrario, comment croire que la lutte contre les « minorités ultra violentes » soit une préoccupation centrale des Français, menacés par une crise économique et sociale. C’était pourtant une partie significative du catalogue déroulé par le premier ministre. Il faut y ajouter la création de « juges de proximité » contre « les incivilités du quotidien », et, comme d’habitude, la lutte contre l’islamisme radical. Le premier ministre a également promis, comme d’habitude encore, « une réponse de l’État ferme et sans complaisance ». Il a annoncé logiquement pour la rentrée « un projet de loi contre les séparatismes ».

Attendons de voir, mais notons quand même, qu’en matière d’inflation sécuritaire et de limitation des libertés, les Français ont déjà beaucoup donné pendant la crise sanitaire. Peut-être que ça suffit ?

Retraites, le retour

Samedi 11 juillet – La crise sanitaire est passée par là. Le conseil d’orientation des retraites avait tiré la sonnette d’alarme dès la mi-juin.  Le déficit des caisses pour cause de coronavirus passerait en 2020 de 4,2 milliards à 29,4 milliards. 

Jean Castex a commencé à recevoir jeudi dernier à Matignon les partenaires sociaux pour évoquer le sujet. « Refuser de parler des retraites lorsque l’équilibre des comptes, et donc la sauvegarde du système actuel se trouve compromise, serait irresponsable», avait expliqué le nouveau premier ministre.  

Difficile de lui donner tort. Mais cette manière de rouvrir le dossier des retraites, gelé par la crise sanitaire, a cristallisé l’opposition de tous les partenaires sociaux, Medef compris qui avait pourtant soutenu des mesures d’âge (le fameux âge pivot) lorsque la réforme avait été engagée. Tous sont d’accord que le moment n’est pas très opportun et que les efforts de tous doivent se concentrer sur la crise de l’emploi.

Ce retour du sujet des retraites est par ailleurs abordé par la face de l’équilibre des comptes, la plus difficile à aborder, tant le front syndical est d’accord pour attendre et voir. Les partenaires sociaux qu’ils s’en réjouissent (UNSA, CFDT) ou s’en plaignent  (presque tous les autres) pensaient qu’ils en discuterait après avoir évoqué la retraite par points suspendue par Emmanuel Macron pendant la crise. C’est l’exact contraire qui leur est désormais proposé.

Jean Castex recevra à nouveau les partenaires sociaux le 17 juillet «pour une conférence sociale». Elle définira les priorités, la méthode et le calendrier des prochains mois. Mais il semble pour l’instant très improbable devant la longue liste des sujets sociaux que cette réforme des retraites (aspect financier ou retraite par points) revienne au premier plan de l’agenda à la rentrée.

Tout le monde aura d’autres chats à fouetter. Il a notamment le dossier de l’assurance chômage, sujet brûlant. Et tant pis pour les ambitions présidentielles d’Emmanuel Macron qui cherche en réactivant le dossier des retraites à sauver un des symboles de la volonté de réforme devant marquer son quinquennat.