Maisons

Samedi 4 juillet – Qu’est ce qui fait que nous habitons pleinement une maison ? A quoi tient-il que nous nous y sentions bien ou mal ? Le psychanalyste Patrick Avrane tente d’apporter une réponse à cette question si délicate en explorant l’inconscient des lieux.

La maison est un refuge. Mais pour que cette fonction essentielle soit bien remplie, existent quelques précieux prérequis. Quatre murs et un toit ne combleront jamais complètement nos attentes.

La maison que nous portons en nous, en lien intime avec celle que nous habitons, est faite de son histoire, de son mobilier, mais aussi de notre lien avec tous ceux qui l’habitent aujourd’hui. Elle porte aussi les traces de ceux qui y ont jadis vécu.

Nous avons expérimenté ces évidences au temps du confinement. Pour nous, tout était d’autant plus bouleversé que ce lieu avait été choisi ou contraint. L’ordre de nous retirer, sans guère de fuite possible, nous était intimé. Nous avons alors souvent partagé cet espace. Mais comment et jusqu’où ? « Les désirs, affirmés ou silencieux se croisent, se rencontrent, s’opposent : ainsi se fabrique l’inconscient d’une maison » note Patrick Avrane (1). Proust l’écrit nettement dans « Le côté de Guermantes », « Comme l’Eglise ne signifie pas seulement le temple, mais aussi l’assemblée de fidèles, cet hôtel de Guermantes comprenait tous ceux qui partageaient la vie de la duchesse ».

En psychanalyste expérimenté, l’auteur appuie sa démonstration à l’aide d’un voyage passionnant dans cet inconscient qui habite les lieux. Il ancre son propos dans des exemples assez éloquents : les appartements surchargés de Freud à Vienne et à Londres qui se visitent encore, les maisons de Le Corbusier mais aussi la grotte de Robinson Crusoé, la maison de Zola à Médan qui ressemble à son œuvre ou celle de Barbey d’Aurevilly, dont l’agencement rêveur et nostalgique porte les traces de blessures initiales…

Mais l’exemple le plus étonnant est pris dans une fiction tout entière bâtie autour d’une maison. Le domaine de Manderley, nœud de l’intrigue de Rebecca de Daphnée du Maurier et de son adaptation au cinéma par Alfred Hitchcock. Lieu imaginaire bien sûr, mais inspiré par une propriété très réelle.

« J’ai rêvé la nuit dernière que je retournais à Manderley». Tout le monde se souvient de cette phrase qui ouvre le roman. Manderley est le cœur de l’intrigue, le nœud de tous les sentiments qui habitent les personnages. Passions et répulsions s’ancrent dans les relations que chacun a tissé avec cette demeure.  Est-elle la cause d’un crime ou d’un suicide ? 

Nos maisons demeurent un lieu privilégié de nos projections. Il existe quelques contre-exemples qui viennent étayer la démonstration. « Je ne peux pas cacher mon balais » se plaignait une habitante de Pessac. Devant les maisons épurées, appropriés par leurs habitants et souvent défigurées, Le Corbusier s’indignait.

Mais, la maison que nous habitons est notre œuvre autant que celle de son constructeur.  Elle ne sera jamais une œuvre d’art. Image du corps, elle n’est pas Vénus ou Poséidon.

1 – Patrick Avrane Maisons Quand l’inconscient habite les lieux Puf 194 pages 17 €

Secondaire et essentielle

Mercredi 27 mai – J’ai entendu récemment un urbaniste s’insurger contre les gens qui quittent les villes le weekend pour rejoindre leurs résidences secondaires. Il a raison le garçon, il se creuse les méninges pour rendre les villes habitables et, à la première occasion, ces salauds de riches qui ont des résidences secondaires, vident les villes si savamment conçues. C’est de la confiture aux cochons. Continuer la lecture de « Secondaire et essentielle »