Mercredi 27 mai – J’ai entendu récemment un urbaniste s’insurger contre les gens qui quittent les villes le weekend pour rejoindre leurs résidences secondaires. Il a raison le garçon, il se creuse les méninges pour rendre les villes habitables et, à la première occasion, ces salauds de riches qui ont des résidences secondaires, vident les villes si savamment conçues. C’est de la confiture aux cochons.
Arrivés dans leurs campagnes, les résidents secondaires se voient reprocher de ne pas être de véritables habitants quand on ne leur jalouse pas leur richesse supposée. L’État n’est pas en reste, il accorde des avantages fiscaux sur les résidences principales et ne manque pas une occasion de taxer les résidences secondaires.
Tout ceci est aussi faux qu’injuste.
J’ai longtemps habité la région parisienne et ai passé environ un weekend sur deux dans la Nièvre où ma résidence était dite secondaire. Si dans cette ville si merveilleusement conçue j’avais eu les moyens d’acquérir un logement aux dimensions suffisantes pour installer confortablement une famille, je ne me serais certainement pas astreint à ces allers-retours incessants. Riche, je l’étais relativement mais pas assez pour me contenter de ce que la ville avait à m’offrir. Monsieur l’urbaniste des cages à poules, lorsqu’à la campagne le prix au mètre carré est le dixième du prix d’une ville aussi urbaine soit-elle, on n’hésite pas à s’aventurer dans les déserts à la sauvagerie verte.
A cette époque, je me suis aperçu qu’entre mon temps à Paris où ma journée était consacrée à mon travail, et mes voyages d’affaires qui prenaient deux à trois jours par semaine, je n’habitais pas Paris. C’est ici dans la Nièvre que je prenais le temps de m’occuper de ma famille, de rencontrer des amis, de discuter avec un commerçant, de pratiquer des activités sportives, bref de vivre.
Les résidents secondaires ne sont pas des salauds de riches mais au contraire des citadins pas assez riches pour s’installer en ville, ils ont besoin de migrer pour trouver leur espace vital. Ce sont des migrants économiques*.
François dans ces colonnes citait Alphonse Allais : « On devrait construire les villes à la campagne car l’air y est plus pur ! ». Cette blague est d’une actualité déconcertante et le confinement a montré combien les espaces ruraux font partie de la respiration des citadins. Il faudrait pour cela repenser la fiscalité de l’habitat et que les habitants des campagnes se montrent un peu plus accueillants voire urbains.
(*) – Tout parallèle avec d’autres migrants supposés économiques n’a rien de fortuit.
Quels avantages procurent ces nouveaux habitants aux communes rurales?
Qu’elle soit récente ou déjà engagée, l’installation de citadins représente un enjeu pour les communes rurales : 72% des maires ruraux semble t-il, estiment en effet qu’il s’agit d’un facteur indispensable à la survie de leur commune. Cet avis est partagé par les deux tiers (64%) des habitants des zones rurales mais…..malheureusement il n’en demeure pas moins que 35% ont un avis contraire et ne jugent pas utile à leur commune l’apport de nouveaux habitants et nouvelles idées. Frileux au risque de changement de leurs habitudes ……….ils ont choisi de conserver leur routine sécurisante.
Pourtant, l’apport de sang neuf n’a que du bon dans tous les domaines.
J’ai lu les écrits de généticiens qui affirment que jusqu’aux années 1950 l’hypothèse du risque génétique lié à la consanguinité dans nos campagnes françaises n’a pas été exclue des problèmes divers de santé physique et morale heureusement disparus aujourd’hui grâce à la diversité des populations.
L’histoire des rois d’Europe en général et en particulier de France offre une illustration du résultat des mariages consanguins. Ainsi, Louis XIV tout Roi-Soleil qu’il était, n’a pas eu de chance dans son union avec sa cousine, l’infante d’Espagne, Marie-Thérèse d’Autriche. Un seul sur les six enfants qu’a eus le couple a survécu.
L’apport de compétences, expériences et cultures nouvelles représente un autre bénéfice sur lequel les maires interviewés sont d’accord dans les mêmes proportions (20% à 26% selon les cibles) Il y a donc du côté des ruraux comme des citadins, le sentiment que la diversité d’origine des habitants est gage d’enrichissement pour une commune rurale.
Les néo-ruraux (53 %) et les citadins (51%) insistent particulièrement sur l’apport économique que des nouveaux habitants pourraient amener aux communes rurales en y créant ou en y reprenant une activité. Un aspect moins valorisé par les ruraux (36%) et surtout par les maires (13%).
Et quels en sont les risques?
Les maires tout comme les habitants des communes rurales se rejoignent sur cette question. Trois principales craintes dominent :
– risques de demandes excessives en matière d’équipements et de services, de la part de nouveaux résidents habitués à disposer de ce genre de facilités en ville. (pour 63% des élus/40% des ruraux)) - difficulté des nouveaux venus à s’habituer aux habitudes des gens du pays et risque de tensions (42% des élus/48% des ruraux) - crainte que les citadins amènent à la campagne des problèmes vécus comme typiquement urbains comme l’incivilité, le stress… ( 30% des élus/37% des ruraux)
On peut noter que les élus sous estiment les attentes de leurs futurs habitants en ce qui concerne le développement d’activités culturelles et de loisirs.
Ils sont rejoints dans cette opinion par les habitants des zones rurales pour lesquels il s’agit de la deuxième action à mettre en œuvre (39%) après celle de développement des services de proximité (47%) Il existe donc manifestement une véritable demande que peu de maires perçoivent –
Il me semble que l’effort des dirigeants d’entreprises en ce qui concerne le télétravail , va enfin et peut être porter ses fruits. La crise sanitaire les a amorcés un peu de force sur cette pratique souvent sollicitée par les employés et refusés par les employeurs.
Les citadins désireux de vivre en campagne vont peut être pouvoir évoluer en télétravail, ce qui évitera les déplacements polluants, coûteux et des dépenses inutiles entre autres.
Merci Véronique pour ce commentaire largement documenté.
Je crois qu’il n’existe quasiment pas de lignée de parisiens couvrant plus de trois générations successives. Les générations de Français font depuis longtemps des allers-retours entre Paris et Province. J’ai moi-même fait l’aller-retour Corbigny – Paris – Menou.
Aujourd’hui la Bourgogne-Franche-Comté a un solde migratoire équilibré mais les campagnes perdent des habitants au profit des villes et de leurs communes périphériques. Le recours au télétravail permettra peut-être ce rendre ce solde positif au bénéfice des zones rurales. A nous d’offrir les conditions de vie que les néoruraux recherchent.