Mercredi 24 juin – La statue de Colbert devant l’Assemblée nationale a été en partie recouverte mardi de peinture rouge et d’une inscription « Négrophobie d’Etat ». L’auteur de cette attaque iconoclaste a été arrêté. Ministre de Louis XIV, Colbert est considéré comme à l’initiative du Code noir qui a légiféré sur l’esclavage dans nos colonies.
La « Brigade antinégrophobie » a posté une vidéo sur tweeter. Elle montre l’auteur du tag être interpellé par la police et se justifier ainsi : « Ce qui est interdit, c’est le racisme. Cet homme-là fait l’apologie de la négrophobie ». Cette action s’inscrit dans un mouvement plus large qui s’entend sur tous les continents.
Dans une tribune du Monde daté du 25 juin, des historiens renommés comme Jean-Noël Jeanneney, Mona Ozouf, Maurice Sartre, Annie Sartre et Michel Winock notent que « L’anachronisme est un péché contre l’intelligence du passé » et appellent à « fonder une culture partagée propice aux combats futurs ». https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/06/24/deboulonnage-des-statues-l-anachronisme-est-un-peche-contre-l-intelligence-du-passe_6043963_3232.html
Ils voient dans l’extension de ces pratiques dans des démocraties « un danger pour les principes républicains » et dénoncent l’anachronisme de ces attaques contre des statues. « Ce péché contre l’intelligence du passé consiste, à partir de nos certitudes du présent, à plaquer sur les personnages d’autrefois un jugement rétrospectif d’autant plus péremptoire qu’il est irresponsable » écrivent-ils. Ils soulignent à quel points les grandes figures du passé n’étaient en rien conformes avec nos idéaux démocratiques d’aujourd’hui. Et rappellent au passage que le Code noir « fut avant tout une tentative pour encadrer et réglementer les comportements criminels de nombreux colons et d’adoucir un peu (oh ! certes très peu) le sort terrible de ceux qui en étaient victimes ».
Et ils fournissent un cadre essentiel pour éviter les anachronismes qu’ils dénoncent : « Le devoir primordial de ceux qui ont la charge de former des citoyens pour éviter de faire passer l’histoire sous le rabot uniforme d’une déploration rétrospective » consiste à « remettre tout dans son contexte » et « expliquer, expliquer, expliquer ». Et se donner ainsi pour horizon la raison plutôt que les passions aveuglées et de fonder ainsi « une culture partagée ».