Philosophie, mathématiques et poésie

Jeudi 30 avril – L’homme est-il un animal social ? Le confinement qui nous impose la fameuse distanciation sociale en est une remarquable démonstration par l’absurde appliquée au monde vivant.

En mathématique, une démonstration par l’absurde commence par la supposition du contraire et on aboutit à une impossibilité logique. Alors supposons que l’homme ne soit pas un animal social, et voyons ce qui se passe si on lui impose la distanciation sociale. Nous observons alors deux comportements, certains dépriment dans cet isolement forcé, d’autres réinventent par tous les moyens tolérés les conditions d’une vie sociale a minima : utilisation de la visio-conférence pour l’enseignement, les réunions de travail et même les apéritifs, synchronisation des courses pour se croiser au supermarché, rencontres fortuites ne devant rien au hasard. Alors commence l’interprétation des observations. Les observateurs convaincus du contraire traiteront les déprimés de faibles et les autres d’asociaux indisciplinés, ils concluront que l’homme est asocial. Les observateurs plus réalistes, constateront que la société est pleine de ressources et que la vie reprend ses droits. Ils constateront que le raisonnement mathématique de base ne s’applique pas vraiment à l’observation du vivant.

Quant à moi, le confinement conviendrait assez bien à mon tempérament d’ours, animal sympathique au demeurant. Mais la vie n’est pas si simple. Confiné avec Corinne, je suis obligé de constater que de l’ours j’ai surtout une forte tendance à devenir irascible lorsque je suis en cage. Réduit à la micro-société de deux personnes que nous formons, j’observe que l’autre n’est certainement pas l’enfer, il est la vie, il est le salut.

J’ai entendu un penseur – je n’ai pas retrouvé son nom au moment de rédiger – dire que l’homme est un animal spirituel, ce qui se traduirait par la pratique de la philosophie, des mathématiques et de la poésie, étrange trio. Si ces pratiques permettent d’éviter la déprime de l’individu solitaire, elles nécessitent cependant une élévation pour traiter des sociétés. C’est probablement la vocation des partis politiques, des écoles de sciences humaines, et des églises, autant d’institutions peu présentes dans nos sociétés rurales. A défaut d’institutions, nous partageons tous, et chacun à sa façon, un goût profond pour la poésie des paysages que nous habitons.

Retrouvez la série de nos chroniques de confinés.

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