Big browser

Jeudi 28 mai – Qui est donc ce fameux Google ? L’univers du web qui nous a longtemps été présenté comme un espace de liberté d’expression mérite certainement un regard fondé sur l’expérience et l’histoire.

Google est un exemple de ce que sont les GAFAM. J’ai déjà dit que sur le plan économique la situation de monopole de fait des GAFAM était plus que discutable mais aujourd’hui je voudrais insister sur la performance remarquable et les services que nous rendent ces entreprises.

Dès le début de la démocratisation d’Internet, Google est apparu avec son moteur de recherche. Un moteur de recherche suit tout ce qui se publie sur Internet, l’intègre dans une base de données et met à notre disposition toutes les adresses (URL) des pages contenant les mots clés que nous lui avons soumis. C’est extrêmement pratique et c’est gratuit alors pourquoi s’en priver ?

Google classe les pages qu’il vous propose en fonction de leur adéquation à votre recherche, et vous regardez les premières qu’il aura sélectionnées. Les sites cherchent naturellement à monter autant que possible dans le classement Google. Il y a plusieurs méthodes, la première commence par l’achat de mots clés. On peut payer pour apparaitre dans les premières propositions de Google qui n’est plus impartial. La deuxième méthode consiste à rédiger et documenter ses publications pour que les automates des moteurs de recherche comprennent le mieux possible ce que vous produisez. La troisième méthode est de beaucoup publier. Plus vous publiez et plus vous êtes lus, plus vous remonterez dans Google qui n’est pas seulement vénal et conserve une certaine objectivité.

Si vous voulez savoir qui est Google ? Allez sur la page de Google (www.google.fr). Superbe, un écran simple, neutre et convivial, parfois amusant et surtout pas de publicité. Pourtant Google tire 90% de ses revenus de la publicité, c’est la plus grande agence de publicité au monde mais ils oublient de le dire. Google alimente tous les sites internet des autres en y ajoutant de la publicité – à leur demande – mais n’en met surtout pas sur sa page, Google avance masqué.

Google mémorise vos recherches et vous propose des pages et des publicités en lien avec vos centres d’intérêt qu’il identifie.

Si je cherche ‘paracétamol’ sur Google, savoir qu’Etienne Rosenstiehl a cherché ‘paracétamol’ n’a aucun intérêt ni pour moi, ni pour personne. Savoir que le nombre de recherches comprenant le mot paracétamol a augmenté de 50% cette semaine indique qu’une épidémie de grippe est en cours. La valeur des données apparemment insignifiantes que Google collecte a une valeur phénoménale une fois que Google les a agrégées. Il est vrai que je ne subis aucun préjudice dans cet exemple. En revanche, si lors de ma prochaine connexion sur internet, je reçois une publicité pour du Doliprane, alors le problème prend une autre forme et je commence à m’agacer.

Conscient de la valeur des données collectées, Google a développé un service de messagerie gratuit appelé gmail. A l’origine nous étions ravis d’avoir une messagerie indépendante de notre fournisseur de service internet et de notre employeur, indépendance toute relative.

Puis Google a développé un système d’exploitation pour smartphone baptisé Android. Android gère pratiquement tous les smartphones à l’exception des iPhones d’Apple. Le smartphone est très certainement la meilleure source de données personnelles qu’on puisse imaginer. C’est tellement pratique que nous l’utilisons en permanence en oubliant que le premier utilisateur de mon smartphone est Google. Android est apparemment gratuit pour l’utilisateur, ce n’est pas le cas pour le constructeur du smartphone mais nous ne le voyons pas.

Google a développé Chrome, un navigateur web (ou browser), gratuit encore. Le navigateur est le logiciel qui permet à votre ordinateur d’afficher une page d’un site internet (Firefox, Edge, Safari, Opera). En effet, le moteur de recherche ne sait pas tout de ce que vous faites sur Internet, votre browser en sait beaucoup plus et on ne peut pas laisser ça à Firefox ou Microsoft. Chrome a conquis une énorme part de marché grâce à sa similitude de présentation avec son moteur de recherche hégémonique. De plus Google met à disposition des développeurs Chromium qui est une version opensource (chacun peut accéder au code source et produire une version personnalisée) de Chrome. Ainsi Chromium est la base de nombreuses applications industrielles. Big Browser is watching you, and your business.

Google étend son emprise sur le monde d’internet et sur le monde plus généralement. A chaque étape Google arrive grâce à ses équipes de recherche et développement à proposer des produits de qualité et à prendre une part de marché considérable. Il y a certes quelques échecs comme avec les réseaux sociaux, ils sont rares. Nous avons tous contribué aux succès de Google, nous en avons tous profité, nous avons créé un monstre généreux et bienfaisant. Un monstre cependant.

L’espace de liberté qu’est Internet est devenu un espace d’anarchie et de compétition effrénée. Google a saisi une énorme part du gâteau mais n’est pas le seul, les GAFAM sont cinq et ont des méthodes comparables. Il en apparaitra d’autres. On ne peut pas reprocher à Google d’être performant mais on peut reprocher aux états de ne pas avoir su réguler l’Internet.

En effet, si mes données personnelles ne valent rien ou presque rien, les données personnelles des Français ont une valeur considérable. Appartiennent-elles à Google ou à la France, la question mérite d’être posée ? La réponse est probablement dans la notion d’appartenance. Quelle est la communauté à laquelle je me sens appartenir ? La France ou la communauté des utilisateurs de Google. Je pencherais pour la première, je suis tombé dans la seconde.   

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