Jeudi 23 avril – Hier matin l’émission de France Culture, le Cours de l’histoire, traite de l’importance des plantes dans le processus de colonisation. Elle s’intitule « La colonisation par la racine », l’invité est Samir BOUMEDIENE, auteur de « La colonisation du savoir – Une histoire des plantes médicinales du Nouveau Monde (1492-1750) » aux Editions des mondes à faire. Après une telle avalanche d’anecdotes historiques, on ne regarde plus son jardin, sa tisane, son café avec le même œil.
C’est aussi une occasion de mesurer la valeur des savoirs de civilisations aujourd’hui disparues. Il n’y a pas que nos ancêtres paysans qui connaissaient les plantes médicinales. La pharmacopée s’est considérablement enrichies des extraits de plantes découvertes par les populations autochtones des Amériques qu’on appelait encore les Indes.
J’ai déjà dit ce que je pensais des fragilités de l’autonomie alimentaire à l’échelle de mon jardin. Prôner aujourd’hui l’autonomie et l’indépendance alimentaire de l’Europe serait à l’égard des autres peuples, au moins sur le plan historique, un peu gonflé. Ça relèverait du “Maintenant qu’on a pillé votre savoir et vos civilisations, on se débrouillera sans vous.” Nous en revenons à la question de Bruno Latour : “Où atterrir ?”.
Petite remarque de l’imprimeur que je suis. Que les quelques connaissances qui ont été conservées soient documentées et rassemblées dans un livre est une justice rendue à ces civilisations perdues. Dans une de ses « Quinze causeries en Chine », J.M.G. Le Clézio envisage un monde sans les livres imprimés. Il prend comme exemple la civilisation maya qui n’était pas plus faible parce que ne possédant pas la poudre et les armes à feu mais parce qu’elle ne possédait pas l’imprimerie. En effet, les Mayas avaient une avance considérable en termes de connaissances mais leur civilisation s’est effondrée bien avant l’arrivée des colons espagnols.
“Sans les livres imprimés, notre monde eût été entièrement différent. Sans doute aurait-il ressemblé à ce qu’était la société égyptienne ou la société maya au sommet de leur puissance et de leur gloire : un monde fermé, difficilement accessible aux influences, profondément injuste et inégalitaire, irrémédiablement déséquilibré.
Dans un tel monde – celui des Mayas de l’époque classique puisque j’ai proposé cet exemple –, pas de démocratie, peu d’égalité devant la justice, encore moins d’intelligence de la vertu civique. Une immense masse, ployée sous l’autorité de quelques prêtres, d’un roi-soleil, de tyrans, de despotes armés, d’une élite à la fois raffinée et brutale. Dans le meilleur des cas, une sorte de théocratie cultivée, dans laquelle se développent, au profit de quelques-uns, les arts, les connaissances, la technique.”
Profitons de ce confinement pour lire. Tous les ouvrages cités sont disponibles en prêt à la maison. Merci de vous munir d’une caution de la Banque publique d’investissement contre-garantie par l’Etat dans le cadre du PGE.
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