Retraites, le retour

Samedi 11 juillet – La crise sanitaire est passée par là. Le conseil d’orientation des retraites avait tiré la sonnette d’alarme dès la mi-juin.  Le déficit des caisses pour cause de coronavirus passerait en 2020 de 4,2 milliards à 29,4 milliards. 

Jean Castex a commencé à recevoir jeudi dernier à Matignon les partenaires sociaux pour évoquer le sujet. « Refuser de parler des retraites lorsque l’équilibre des comptes, et donc la sauvegarde du système actuel se trouve compromise, serait irresponsable», avait expliqué le nouveau premier ministre.  

Difficile de lui donner tort. Mais cette manière de rouvrir le dossier des retraites, gelé par la crise sanitaire, a cristallisé l’opposition de tous les partenaires sociaux, Medef compris qui avait pourtant soutenu des mesures d’âge (le fameux âge pivot) lorsque la réforme avait été engagée. Tous sont d’accord que le moment n’est pas très opportun et que les efforts de tous doivent se concentrer sur la crise de l’emploi.

Ce retour du sujet des retraites est par ailleurs abordé par la face de l’équilibre des comptes, la plus difficile à aborder, tant le front syndical est d’accord pour attendre et voir. Les partenaires sociaux qu’ils s’en réjouissent (UNSA, CFDT) ou s’en plaignent  (presque tous les autres) pensaient qu’ils en discuterait après avoir évoqué la retraite par points suspendue par Emmanuel Macron pendant la crise. C’est l’exact contraire qui leur est désormais proposé.

Jean Castex recevra à nouveau les partenaires sociaux le 17 juillet «pour une conférence sociale». Elle définira les priorités, la méthode et le calendrier des prochains mois. Mais il semble pour l’instant très improbable devant la longue liste des sujets sociaux que cette réforme des retraites (aspect financier ou retraite par points) revienne au premier plan de l’agenda à la rentrée.

Tout le monde aura d’autres chats à fouetter. Il a notamment le dossier de l’assurance chômage, sujet brûlant. Et tant pis pour les ambitions présidentielles d’Emmanuel Macron qui cherche en réactivant le dossier des retraites à sauver un des symboles de la volonté de réforme devant marquer son quinquennat.

Grizzlys

Vendredi 10 juillet – Il arrive que la justice des hommes vienne au secours des bêtes. Les chasseurs rêvaient de la peau des grizzlys qui traînent près du parc de Yellowstone, aux États-Unis.

Mais pour comprendre les enjeux, il faut revenir un peu en arrière. En 2017, il avait été décidé de retirer ces ours de la liste des espèces protégées. Bien sûr, la chasse est interdite dans ce superbe parc, où l’on croise entre autres de majestueux bisons. Mais pas aux alentours.

En 2018, les États du Wyoming et de l’Idaho envisageaient de rouvrir la chasse aux grizzlys en dehors des limites du parc. Provoquant l’indignation d’associations de protection de l’environnement et d’Améridiens qui s’y opposent en justice.  Elles avaient déjà obtenu gain de cause en première instance et le jugement vient d’être confirmé en appel.

A Yellowstone et tout autour, 700 grizzlis respirent. Mais rangez quand même votre dentifrice, si vous dormez sous la tente…

Notre-Dame

Jeudi 9 juillet – C’est une option raisonnable qui l’a emporté. La flèche de Notre-Dame sera reconstruite à l’identique. La nouvelle ministre de la Culture Roselyne Bachelot l’a annoncé jeudi.

Mais ce retour à l’original reste quand même très relatif.

Cette flèche qui avait fini par s’intégrer à la cathédrale au point d’en être un élément constitutif a été érigée au XIXe siècle. Ce qui rendra la tâche plus facile à ceux qui conduiront cette reconstruction. L’architecte qui avait présidé à cette érection, Viollet-le-Duc, a laissé des plans détaillés.  

Ont donc été écartés les projets plus audacieux comme une flèche de verre ou même d’autres encore plus fantaisistes comme la création sur le toit d’un parc-jardin bio ou une terrasse panoramique…

Exit le « geste architectural contemporain » envisagé un temps. Ce soir, Emmanuel Macron a validé ce choix prudent, après une réunion de la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture (CNPA), unanime sur ce point. Cette décision va conduire à une restauration de la cathédrale et de sa flèche de la façon la plus proche de son état avant l’incendie survenu dans la soirée du 15 avril 2019. Ce choix balaie l’hypothèse formulée un temps par le chef de l’Etat d’« un geste architectural contemporain» pour rebâtir la cathédrale.
La France s’évitera ainsi une querelle des anciens et des modernes qui aurait pu durer : le président de la République prévoit toujours une reconstruction en cinq ans.

Coronavirus

Mercredi 8 juillet – Les mises en garde se multiplient. Par exemple, le professeur Jean-François Delfraissy, prévient dans un entretien à l’AFP : un rebond de l’épidémie de Covid-19 en France est possible en octobre/novembre, voire carrément cet été si les mesures barrières sont abandonnées. Il s’appuie sur ce qui se passe dans l’hémisphère Sud en ce moment.

Curieusement, le président du Conseil scientifique chargé de guider le gouvernement n’évoque pas ce qui est en train de se passer aux Etats-Unis. On assiste à une flambée des infections dans le Sud et l’Ouest. Le virus a fait plus de 130 000 morts dans le pays et à ce jour, le nombre de personnes contaminées dépasserait les 3 millions. Certain le considèrent d’ailleurs comme sous-évalué….

Donald Trump voit là une exagération, conteste les analyses des experts du gouvernement fédéral et appelle à rouvrir les écoles. Ses dénégations de l’ampleur de la menace et son refus de s’organiser sérieusement pour lutter contre la pandémie ont des conséquences très concrètes. Le nombre de cas a explosé à Tulsa dans l’Oklahoma, deux semaines après que se soit tenu, là, un meeting organisé par Donald Trump, sans respect des distanciations physiques, ni port généralisé de masques dans un public qui souvent le refuse.

Les enfants des autres

Mardi 7 juillet – L’été est une période de retrouvailles familiales. Souvent à la campagne où dans de grandes maisons un peu abandonnées le reste de l’année, les générations se mêlent pour un moment, on croise neveux et nièces, cousins et cousines se retrouvent, les fratries se recomposent autour des chaises longues.

Moment intense de retrouvailles. L’harmonie familiale impose évidemment des efforts d’adaptation. Les cultures familiales, les usages du quotidien ne se ressemblent pas absolument. Même sans être arcbouté sur son « modèle » d’éducation, il faut apprendre à composer avec ceux de ses proches. Et avec les « caprices » des enfants des autres qui évidemment sont bien plus insupportables que ceux de votre progéniture.

Les choses peuvent s’aggraver encore quand on saute une génération. Ceux qui ont été élevé à la dure il y a cinquante ans ou plus ont de sérieuses difficultés avec le modèle désormais très répandu de l’enfant-roi.

Que faire alors ? Serrer les points, attendre que l’orage passe. Renoncer au dogmatisme éducatif et admettre que le monde a changé. Il faut se souvenir que les enfants des autres sont d’abord leurs enfants. La paix familiale impose de tels renoncements. La concorde est évidemment plus précieuse qu’une petite victoire morale.

Un gouvernement sous contrôle

Lundi 6 juillet – La lettre de la Constitution de la Vème République est claire.  L’article 20 prévoit que le gouvernement « détermine et conduit la politique de la Nation ». Mais au fil des présidences, la pratique a sérieusement écorné le principe. Et les présidents de la République successifs ont beaucoup étendu leur emprise, au point de réduire le premier ministre au rang de collaborateur du chef de l’État.

Cet usage, aussi banal soit-il devenu en France, ouvre quand même sur de solides questions de principe. Il est un peu tordu dans une démocratie, d’accorder des pouvoirs exorbitants à un Président de la République qui est politiquement irresponsable (sauf cas de haute trahison). Une part de la souveraineté nationale est ainsi confisquée.

En nommant à Matignon Jean Castex, un technocrate parfait bien que solidement enraciné localement, et en écartant Edouard Philippe, devenu (trop) populaire, Emmanuel Macron a choisi d’aggraver la pente.

Si on ajoute la nomination à Matignon et dans les ministères-clés de proches collaborateurs du chef de l’État, cette mise sous tutelle du gouvernement atteint une ampleur inédite sous la Vème République. Par un viol caractérisé de son esprit, la lettre de la Constitution s’en trouve elle-même atteinte. Tout cela pour préparer le mieux possible la présidentielle de 2022. Je commente cette évolution dans mon blog : https://politique.blogs.la-croix.com/un-remaniement-dans-la-ligne/2020/07/07/

Le sens de la marche

Dimanche 5 juillet – Il est rare de lire dans un regard et un sourire la pertinence d’un livre. Un marcheur solitaire contemple le paysage en contre-bas du chemin où coule une rivière. Avait-il parcouru dix kilomètres ou bien trente par monts et par vaux ? Qu’importe. Son visage témoigne de l’intense bonheur de la marche, partagé par ceux qui en ont fait l’expérience. Difficile de croiser un randonneur déçu…

C’est en puisant dans la littérature décrivant des chemins parcourus mais aussi dans ses propres expériences que David le Breton, sociologue à l’Université de Strasbourg, revient à l’un de ses sujets de prédilection : le plaisir de la marche, ses moments forts et toutes leurs nuances (1).

Cette description minutieuse et magistralement ordonnée n’apprendra peut-être pas grand-chose aux grands marcheurs.  Eux ont déjà vécu cette expérience totale qui s’ouvre par le désir de se lancer, s’accomplit sur le chemin et se déploie par le souvenir.

Certes, chaque expérience est singulière, chaque lieu se révèle différent pour ceux qui taillent la route. « La colline sur laquelle un marcheur a seulement posé un œil distrait arrête un autre qui la contemple un moment avant de reprendre sa route, rassasié par tant de beauté ». Nous ne sommes pas égaux devant l’éblouissement. 

La marche est une auberge espagnole. On y trouve ce qu’on y apporte.  Mais l’intérêt du livre de David le Breton est d’explorer quelques invariants qui réduisent la singularité des expériences. 

L’auteur pose aussi quelques grandes questions liées à la marche : Seul ou accompagné ? Marcher pour guérir ? Reprendre pied ? David Le Breton ne masque pas les détresses, les épuisements du marcheur. Partie intégrante de l’aventure, inutile de prétendre y échapper… Et il décrit finement quelques sentiments assez courants comme la mélancolie du retour.

En sociologue, il interroge le succès universel de la marche ces dernières décennies. Elle est parfaitement contradictoire avec la sédentarité croissante et inquiétante de nos sociétés. En France dans les années 50, « on marchait en moyenne 7 kilomètres par jour », aujourd’hui « à peine trois cents mètres ». Bien loin des 10 000 pas recommandés par l’académie, désormais vérifiables sur nos smartphones…

Il est possible d’interpréter ce goût contemporain pour le mouvement – « autrefois, on marchait par nécessité » – comme un refus paisible de la routine, de tous les enfermements contemporains et d’horizons bouchés.

Tout cela nourrit un désir brûlant de découvertes, de rencontres, de mise à distance d’un quotidien écrasant, de sobriété heureuse dans la mise en action des corps.  Le confinement a certainement accentué cette demande.

L’expérience de la marche selon Thoreau n’est rien d’autre qu’« un peu de poussière d’étoile de pris, un morceau de l’arc-en-ciel que j’ai saisi.» (2). 

1 – David Le Breton Marcher la vie Un art tranquille du bonheur Métaillé, 165 pages, 10 €
2 – H.D Thoreau Walden ou la vie dans les bois Paris Gallimard 1922

Maisons

Samedi 4 juillet – Qu’est ce qui fait que nous habitons pleinement une maison ? A quoi tient-il que nous nous y sentions bien ou mal ? Le psychanalyste Patrick Avrane tente d’apporter une réponse à cette question si délicate en explorant l’inconscient des lieux.

La maison est un refuge. Mais pour que cette fonction essentielle soit bien remplie, existent quelques précieux prérequis. Quatre murs et un toit ne combleront jamais complètement nos attentes.

La maison que nous portons en nous, en lien intime avec celle que nous habitons, est faite de son histoire, de son mobilier, mais aussi de notre lien avec tous ceux qui l’habitent aujourd’hui. Elle porte aussi les traces de ceux qui y ont jadis vécu.

Nous avons expérimenté ces évidences au temps du confinement. Pour nous, tout était d’autant plus bouleversé que ce lieu avait été choisi ou contraint. L’ordre de nous retirer, sans guère de fuite possible, nous était intimé. Nous avons alors souvent partagé cet espace. Mais comment et jusqu’où ? « Les désirs, affirmés ou silencieux se croisent, se rencontrent, s’opposent : ainsi se fabrique l’inconscient d’une maison » note Patrick Avrane (1). Proust l’écrit nettement dans « Le côté de Guermantes », « Comme l’Eglise ne signifie pas seulement le temple, mais aussi l’assemblée de fidèles, cet hôtel de Guermantes comprenait tous ceux qui partageaient la vie de la duchesse ».

En psychanalyste expérimenté, l’auteur appuie sa démonstration à l’aide d’un voyage passionnant dans cet inconscient qui habite les lieux. Il ancre son propos dans des exemples assez éloquents : les appartements surchargés de Freud à Vienne et à Londres qui se visitent encore, les maisons de Le Corbusier mais aussi la grotte de Robinson Crusoé, la maison de Zola à Médan qui ressemble à son œuvre ou celle de Barbey d’Aurevilly, dont l’agencement rêveur et nostalgique porte les traces de blessures initiales…

Mais l’exemple le plus étonnant est pris dans une fiction tout entière bâtie autour d’une maison. Le domaine de Manderley, nœud de l’intrigue de Rebecca de Daphnée du Maurier et de son adaptation au cinéma par Alfred Hitchcock. Lieu imaginaire bien sûr, mais inspiré par une propriété très réelle.

« J’ai rêvé la nuit dernière que je retournais à Manderley». Tout le monde se souvient de cette phrase qui ouvre le roman. Manderley est le cœur de l’intrigue, le nœud de tous les sentiments qui habitent les personnages. Passions et répulsions s’ancrent dans les relations que chacun a tissé avec cette demeure.  Est-elle la cause d’un crime ou d’un suicide ? 

Nos maisons demeurent un lieu privilégié de nos projections. Il existe quelques contre-exemples qui viennent étayer la démonstration. « Je ne peux pas cacher mon balais » se plaignait une habitante de Pessac. Devant les maisons épurées, appropriés par leurs habitants et souvent défigurées, Le Corbusier s’indignait.

Mais, la maison que nous habitons est notre œuvre autant que celle de son constructeur.  Elle ne sera jamais une œuvre d’art. Image du corps, elle n’est pas Vénus ou Poséidon.

1 – Patrick Avrane Maisons Quand l’inconscient habite les lieux Puf 194 pages 17 €

Indices

Vendredi 3 juillet – Il est assez logique de se demander de quoi seront faites nos vies demain, après la crise du coronavirus. En France, tout ne dépendra évidemment pas des choix de l’exécutif. Nos propres décisions pèseront aussi, comme par exemple celui de vivre plus sobrement.

Mais le cadre général en France sera quand même donné par le président de la République qui s’exprimera dans quelques jours. Que proposera-t-il à la France pour les deux années qui viennent, voire au-delà, s’il est réélu en 2022 ? Continuer la lecture de « Indices »

Abbaye de Fontenay

Jeudi 2 juillet – Elle est là, nichée au fond d’un vallon. L’ensemble a peu  tremblé pendant dix siècles.

Majestueuse et simple, chef-d’œuvre de l’art cistercien, élégante sans fioritures, l’abbaye de Fontenay reste imprégnée de la spiritualité de Bernard de Clairvaux, son fondateur. Logiquement inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco en 1981, elle est un chef-d’œuvre saisissant.  https://www.abbayedefontenay.com/

Malgré le départ des moines, à la Révolution française, elle reste un témoignage puissant, plus encore que l’abbaye de Pontigny à moins de 50 kilomètres de là, de la puissance du message chrétien en Occident, et de sa capacité à mobiliser clercs et fidèles dans des œuvres de génie.

En ces temps de doute et de fébrilité, elle demeure la marque d’une permanence ineffaçable. Comme une bouffée d’oxygène quand on manque d’air.